La Crise du PPA-MTLD en 1954 (Messalistes vs. Centralistes): Comprendre la plus grande crise du mouvement national algérien

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5- Message de Messali Hadj à la Fédération de France en Août 1954

Le Chef National MESSALI Hadj
A Monsieur le Responsable de la Fédération de France

 

Messieurs les Membres du Comité Fédéral,

J’ai l’honneur de vous adresser le présent message pour vous présenter mes souhaits de réussite à l’occasion de la désignation du Comité provisoire fédéral pour diriger les affaires de la Fédération de France.

Au moment où une nouvelle étape va être entreprise après la tenue du Congrès extraordinaire qui vient d’avoir lieu, je crois de mon devoir de vous présenter mes félicitations pour la grande activité que vous avez fournie pour sauver le Mouvement National Algérien de l’immobilisme et de la déviation.

Le Comité de Salut Public qui à l’appel du chef du parti s’est lancé dans le combat mérite une motion de félicitations, de confiance et de reconnaissance toute particulière.
Les membres de ce Comité de Salut Public qui sont par leur origine des militants modestes, courageux et plein de patriotisme, appartiennent désormais à l’Histoire du Mouvement National Algérien.

Aussi, au nom du Peuple Algérien et en mon nom particulier je leur dis avec tout mon cœur : Merci.
Ceci étant dit avec foi et gratitude, il est de mon devoir en tant que chef du parti d’adresser les recommandations ci après au Comité Fédéral qui provisoirement va s’occuper de la Fédération de France.

Les membres du Comité Fédéral se souviennent que pendant 7 mois nous venons de lutter contre une bureaucratie qui a plongé le parti dans le silence, l’immobilisme et une politique de collaboration faite de compromission et d’abandon avec le néo-colonialisme.
D’autre part, cette mauvaise politique a créée au sein du parti l’esprit bureaucratique, le régime de la camaraderie et le favoritisme.
Cette situation, contraire aux traditions du parti, à sa discipline et aux principes révolutionnaires a créée un désordre dans les esprits et dans les finances du parti.

Jusqu’à ce jour, la bureaucratie qui a été chassée par le Congrès extraordinaire continue de dilapider les biens du parti et de faire valser les millions. Cette situation a créée un profond malaise et une indignation dans le parti et au sein du peuple.
En conséquence, hier nous avons très énergiquement lutté contre ses procédés pour redresser le parti, épurer ses rangs et protéger les finances que les militants donnent au Mouvement National pour libérer l’Algérie des servitudes coloniales.
Cette tâche de redressement, d’épuration et la protection des finances et des biens du parti doit être poursuivie avec énergie et résolution.

Le responsable de la Fédération de France et le Comité Fédéral provisoire sont tenus de veiller jalousement au patrimoine national et à la bonne marche de la Fédération.
On ne doit pas oublier que les cotisations des militants sont le fruit d’un rude labeur obtenu au prix de leurs poumons et quelques fois de leur vie. C’est dire combien nous devons veiller à la confiance et aux biens du parti.
En un mot, la valse des millions, la camaraderie, l’esprit bureaucratique et le règne du favoritisme doivent à jamais disparaître de la Fédération de France et de l’ensemble du parti.

Il n’y a pas de grands ou de petits dans le parti mais ont est grand ou petit par la responsabilité et la valeur individuelle des uns et des autres. Aussi, j’insiste pour qu’après la disparition du régime de la bureaucratie, une ère nouvelle s’instaure à l’échelon de la Fédération de France dans nos activités et nos responsabilités.

Maintenant, étant donné la période que nous venons de vivre et les enseignements que nous en avons tiré, la Fédération de France vue son importance politique, diplomatique et stratégique doit subir une transformation afin de pouvoir jouer le rôle principal dans la libération de l’Algérie.

A ce sujet, le chef du parti a transmis au Congrès extraordinaire un rapport où tous les aspects de cette importante question ont été examinés. C’est pourquoi nous demandons aux responsables de cette Fédération de le revoir et de s’en inspirer dans cette nouvelle étape de notre lutte.
Le chef du parti tient d’une façon particulière à ce que la Fédération de France puisse d’une manière progressive s’élever dans la lutte, son activité, ses méthodes et sa discipline au but que le Congrès lui a assigné.

Pour que le Comité Fédéral puisse effacer les mauvais souvenirs du règne de la bureaucratie et conserver son prestige sur les masses travailleuses nord africaines il doit faire preuve à la fois d’énergie, d’organisation, d’esprit d’initiative et d’imagination. Aussi, la période que nous venons de liquider avec ses désordres doit disparaître totalement pour laisser place à l’ordre, au travail centralisé, à la bonne méthode, à la discipline et au respect du militant en tant que premier serviteur de la Nation Algérienne. C’est à ces conditions que nous pouvons redresser la situation et franchir cette première étape avec succès.

Pour que la Fédération de France puisse vivre, communier et participer d’une manière affective à la vie du parti il est recommandé au Comité Fédéral d’établir un système de liaison permanent du sommet à la base.
A cet effet, il y a lieu d’organiser un contrôle général et un contact permanent par des déplacements de réunions publiques, des conférences d’information et des réunions d’éducation.
Il y a lieu de ne pas oublier que 90% de nos compatriotes sont illettrés et ne peuvent par conséquent s’instruire eux-mêmes, ni lire la presse et les livres pour leur éducation personnelle.

Bien qu’illettrés, nos compatriotes ont soif de connaître, de s’instruire et de participer activement à la vie du parti. A cet effet, il y a eu pour la Fédération de France de préparer des conférenciers et des sujets de conférence ayant trait à la vie politique du parti, au problème Maghrébin, le Monde Arabo-Islamique et à l’évolution de la situation internationale.
A cet égard, le chef du parti pense à la création d’une école des cadres pour faire face à ces nécessités et aux besoins qui se font sentir aussi bien en France qu’en Algérie.

Ces besoins nouveaux et l’attrait des connaissances des affaires politiques du parti et l’évolution des problèmes mondiaux intéressera très certainement nos militants et les empêchera de perdre leur temps dans les cafés autour des dominos.
Le Bureau Fédéral doit faire en sorte et dans tous les domaines que l’ère de la révolution qui a chassé l’immobilisme, le désordre et la politique de compromission doit pénétrer dans les organismes du parti, animer son activité et entrainer le peuple Algérien avec plus de courage et de résolution dans la voie de la libération nationale.

Le chef du parti serait infiniment heureux de voir régner partout dans la Fédération, l’organisation de bonnes méthodes de travail, l’énergie, la fraternité islamique, le respect de l’autorité, la discipline librement consentie et l’élan permanent vers l’avenir qui s’ouvre devant nous.

Pour que tout cela puisse régner dans la vie de la Fédération de France je fais appel aux responsables de cette Fédération, au Comité Fédéral et à tous les militants.

Messali Hadj
Niort, le 2 Aout 1954

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