La Crise du PPA-MTLD en 1954 (Messalistes vs. Centralistes): Comprendre la plus grande crise du mouvement national algérien

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6- Message de Messali Hadj au Conseil National Révolutionaire (CNR) en Août 1954

A l’occasion de la première réunion du Conseil National Révolutionnaire après le Congrès extraordinaire qui vient de mettre fin à la déviation, j’ai l’honneur de vous adressez le Message suivant pour vous présenter mes souhaits de bonheur, de réussite et de réalisation de toutes les décisions qui ont été arrêtés par les Assises Nationales du 17 juillet 1954.

Comme vous le remarquez, ce n’est plus le Comité Central de triste mémoire qui se réunit aujourd’hui mais le Conseil National Révolutionnaire qui doit prendre en main la destinée du Parti pour conduire le peuple Algérien dignement et fièrement dans la voie de la Libération Nationale.

Messieurs les membres de cet organisme dirigeant, vous venez d’assister au Congrès extraordinaire qui a mis fin à une déviation ainsi qu’à une période d’immobilisme, de bureaucratisme et de règne de la camaraderie et du favoritisme.
Pour arriver à un tel résultat, le chef du parti a dû pendant quatre ans lutter du fond de sa déportation contre une bureaucratie qui avait enveloppée l’ensemble du parti dans une sorte de camisole de force et un silence de cimetière.

D’autre part, les militants et le peuple Algérien ont en répondant à l’appel de Messali Hadj lutté avec un courage et une discipline dignes de tous les éloges pour mettre un terme à cette période d’anarchie, de corruption et de dégradation.
Le Congrès vient de balayer tout ce triste passé et préparé à l’appel du Chef, une politique digne des aspirations nationales du peuple Algérien et du Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques.

La mission du CNR est de traduire dans les faits ce passé révolutionnaire qui vient d’être rappelé par les rapports du chef du Parti et les décisions arrêtées par le Congrès extraordinaire lui-même.
Le CNR doit dans toute son activité avoir dans sa pensée la volonté populaire du peuple algérien qui vient de s’exprimer dans les rapports du chef du parti et les décisions du Congrès d’Hornu.

Les membres du CNR feront du MNA où tous les militants du sommet à la base travailleront dans une grande fraternité et collaboreront chacun dans son domaine comme les membres d’un seul corps animés par la même pensée et la même harmonie. Il n’y a ni grands ni petits, il n’y a que des Hommes d’une seule grande communauté qui chacun selon ses possibilités et sa responsabilité apportera sa pierre pour construire la Nation Algérienne.

Plus de frontières infranchissables entre les militants et les dirigeants, plus d’orgueil, ni de dictature. A la place de tout cela, c’est un travail organisé, méthodique que tous nous devons entreprendre en tenant compte de nos responsabilités respectives et de nos capacités individuelles.

La discipline étant la force principale d’un Mouvement révolutionnaire, doit être observée du sommet à la base pour que l’activité du parti s’effectue avec le plus de chances possibles de réussite.
La composition de ce CNR reflète l’ensemble du territoire Algérien. On remarquera que beaucoup de jeunes trouveront auprès de leurs ainés les conseils et les enseignements d’une riche expérience.
Jouissant de la Confiance du Congrès qui vient de se tenir, je me propose avec l’aide de Dieu et votre collaboration et par l’intermédiaire du Secrétaire Général et du Bureau Politique de faire de mon mieux pour diriger le Parti et le redresser entièrement dans les plus brefs délais.

Notre mission à tous est celle de remettre sur pied le Mouvement National pour ensuite entreprendre la tâche immense et pleine de noblesse que le Congrès et la situation du Maghreb viennent de nous assigner.
Au moment où vous vous réunissez, il est bon de jeter un coup d’œil sur ce qui se passe dans le monde, en Tunisie, au Maroc et en Algérie. C’est pourquoi, dès l’achèvement du redressement du parti et le renforcement de ses organismes, il importe de faire sortir le problème Algérien du silence où l’avait plongé la bureaucratie pour l’élever sur le plan international comme tous les autres problèmes maghrébins.

L’ensemble de notre activité et d’une manière progressive doit tendre à internationaliser le problème Algérien. Nous pensons avec l’aide de Dieu, porter cette année même le problème Algérien devant la commission des tutelles des Nations Unies en septembre-octobre 1954.
A cet effet, alors que nous étions en pleine crise devant le travail de sape et de division de la bureaucratie, nous avons déjà envisagé cette internationalisation du problème Algérien grâce à des amis qui ont intervenu auprès de la Ligue Arabe et de Sa Majesté Ibn Saoud Roi d’Arabie.

La première réunion tenue sous ma présidence, le 21 juillet a été consacrée entièrement au travail de redressement du parti, aux perspectives d’avenir, aux désignations des organismes dirigeants et à l’envoie d’une délégation en Egypte pour étudier sur place le début de l’internationalisation du Problème Algérien.
Je considère tout cela comme un excellent début et un bon augure qui présage un avenir plein de promesses et de victoires.
Pour faire face à toute cette activité, je recommande aux membres du CNR, le travail méthodique, l’analyse et l’action dans l’ordre et la discipline.

La voie étant tracée, nous devons éviter toute griserie et toute démagogie pour nous en tenir aux principes révolutionnaires, à la sagesse politique et à l’étude sérieuse de tous les problèmes avant de les entreprendre.
Les principes révolutionnaires sont ennemis de la démagogie et de la surenchère car la Révolution ne se fait pas qu’un jour indiqué parce qu’elle est l’œuvre d’une grande activité et quelques fois de plusieurs générations.
L’époque que nous vivons est pleine d’évènements et surtout d’évènements qui peuvent surgir à l’improviste. Or le devoir d’un Mouvement révolutionnaire est celui d’essayer de les prévenir afin de les mettre dans son jeu et de les exploiter à fond au profit de la libération nationale.

Tout cela implique d’une manière nette et précise que le CNR avec le BP et l’autorité du chef du parti doivent être la pensée du Mouvement Révolutionnaire, l’élément moteur de toutes les activités pensées et méditées et le guide suprême du peuple Algérien dans la voie de sa libération.
De tout mon cœur, je souhaite pour le Conseil National Révolutionnaire, une grande réussite et un avenir plein de liberté dans une Algérie Libre et Heureuse.

Niort, le 2 Aout 1954 

 

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